Dans cette interview accordée à Haïti Sport Universel, Joseph Kendy Jules, passionné de football et supporter de la sélection haïtienne féminine, raconte son parcours, son admiration pour Melchie Dumornay, et ses expériences dans le Groupama Stadium.
H: Pouvez-vous vous présenter ? (Où êtes-vous né en Haïti ? Depuis combien de temps êtes-vous en France ? Que faites-vous dans la vie ?)
J: Je suis originaire du Sud-Est, à Cap Rouge. J’y ai passé une bonne partie de mon enfance, puis j’ai vécu à Jacmel pour mes études secondaires. En 2014, je suis rentré à Port-au-Prince où j’ai intégré l’Université d’État d’Haïti (UEH) pour étudier l’agronomie, ou je me suis spécialisé dans l’économie et développement rural à Damien. En 2019, après avoir terminé mes études, j’ai fondé à Jacmel avec deux autres jeunes l’entreprise Agrigou spécialisée dans la production d’épices et des thés en poudre. En septembre 2022, j’ai eu la chance de partir en France grâce à une bourse du programme Eiffel. Actuellement, je fais mon stage de fin d’études de Master en Économie territoriale et Développement.
H: Qu’est-ce qui vous a motivé à assister à cette finale en particulier ?
J: Je suis fan de football, notamment de la sélection haïtienne féminine depuis 2018, de la génération dorée qui a joué la Coupe du Monde U20, ainsi que du FC Barcelone, du Brésil et de Lionel Messi. Lors de la dernière Coupe du Monde, j’ai soutenu l’Argentine à cause de Messi. En tant que fan de football, c’est un plaisir pour moi d’être présent au stade pour soutenir ma compatriote et faire flotter le drapeau haïtien au Groupama Stadium.
H: Comment décririez-vous l’ambiance dans le stade avant le début du match ?
J: L’ambiance avant le match était très intéressante. Je n’ai pas vu l’échauffement des deux équipes, mais dès le début de la rencontre, on a senti que l’OL allait gagner. On avait l’impression que Lyon organisait la rencontre, et le speaker a renforcé cette impression lors de la présentation des joueuses de l’OL. Il y avait plus de fans lyonnais que parisiens.
H: Depuis combien de temps êtes-vous fan de Corventina ?
J: Je ne peux pas dire que je suis fan de Corventina en particulier, mais plutôt de la sélection féminine haïtienne depuis 2018. Cependant, si je devrais acheter le maillot d’une joueuse de l’équipe nationale, ce serait celui de Melchie, car elle est la meilleure joueuse de l’équipe.
H: Vous étiez également présent au Groupama Stadium lors des demi-finales aller de la Ligue des Champions féminine, où ces deux équipes s’affrontaient. L’ambiance était-elle différente par rapport à celle de la finale ?
J: La finale face à Paris est mon troisième match de Lyon au Groupama Stadium, le premier était un match de championnat contre Saint-Étienne. La demi-finale aller contre Paris était très différente de la finale en terme de spectacle, d’ambiance et d’affluence. Lors de cette demi-finale, il y avait 36 000 supporters, un record pour le stade, tandis que durant la finale, il y en avait seulement 15 000. L’ambiance était incroyable lors de la demi-finale avec la remontée de l’équipe locale. Paris a bien joué, notamment sur l’aile droite avec Sakina Karchaoui et Chawinga, qui ont constamment mis en danger l’OL. Cependant, le moment le plus marquant pour moi en tant qu’Haïtien a été lorsque Lyon a encaissé son premier but à cause d’une perte de balle de Dumornay, qui est par la suite devenue l’artisane de la victoire. À la fin du match, Melchie nous a donné son maillot, et nous avons pris des photos avec, et même des fans non haïtiens voulaient en prendre avec le maillot.
H: Quel a été votre moment préféré de la finale ?
J: Si c’était pour la demi-finale aller, je dirais le but de Dumornay. Pour la finale, c’était sa passe décisive et les célébrations.
H: Quel chant ou quelle acclamation était le plus fréquent dans le stade ?
J: On a chanté avec le stade, majoritairement composé de fans de l’OL, “Qui ne chante pas n’est Lyonnaises “. Quelqu’un animait avec une cymbale, et nous chantions le nom des buteuses.
H: Qu’avez-vous ressenti en voyant votre compatriote remporter le titre de championne de France ?
J: Je me sentais fier. C’était très spécial de voir ce qu’a réalisé Melchie.
H: Pensez-vous que cette victoire aura un impact sur la popularité du football féminin dans votre pays ?
J: Malheureusement, le football national ne se joue plus, et les centres de formation sont fermés. La relève n’est pas assurée. Cependant, la victoire de Melchie est célébrée par toute la population haïtienne.
H: Avez-vous rencontré des compatriotes dans le stade ? Si oui, était-ce par hasard ou des personnes avec qui vous aviez planifié d’aller au match ?
J: J’étais avec cinq amis, mais j’ai rencontré plusieurs autres compatriotes haïtiens dans le stade, et il y avait plusieurs drapeaux haïtiens.
H: Quel est votre avis sur la performance globale de l’équipe et de Corventina lors de cette finale?
J: Lyon a fait un bon match et dominait la rencontre. Cependant, quand Tabitha Chawinga a réduit le score à la 73e minute sur une erreur défensive, j’ai dit “Se kounya ki gen match”. Paris cherchait l’égalisation, ce qui a créé des frissons dans le stade. Pour Melchie, elle a été bonne durant toute la partie, mais surtout durant les premières quarante-cinq minutes, en étant passeuse décisive pour la deuxième réalisation de Lyon.
H: Comment la victoire a-t-elle été couverte par les médias locaux et internationaux ?
J: Les médias français en parlent beaucoup. Depuis un certain temps, le football féminin monte en puissance, mais il est plus avancé en Espagne.
H: Que signifie pour vous, en tant que fan, de voir une compatriote atteindre un tel succès à l’international ?
J: Pour sa première saison avec Lyon, Melchie s’est adaptée facilement malgré sa blessure. Je suis certain qu’elle va marquer son époque, c’est une joueuse d’un talent extraordinaire.
H: Serez-vous à Bilbao pour la finale de la Ligue des Champions féminine face à Barcelone ?
J: Non, je ne comptais pas y participer, et quand mes amis et moi avons décidé d’y aller, il n’y avait plus de place.
H: En tant que fan du Barça, dans quel camp serez-vous lors la finale ?
J: (Rire) Pour une fois, je vais trahir le Barça, je vais supporter ma compatriote Dumornay.
H: Pensez-vous que si l’État met en place les conditions nécessaires pour le développement du football, on peut espérer voir émerger d’autres talents comme Melchie dans les prochaines années ?
J: Je suis certain que le pays pourrait produire beaucoup plus de talents, mais je n’ai pas de garantie à cause de la situation du pays. Il n’y a pas de football local. Lourdjina Étienne est un très bon espoir, mais si les conditions nécessaires sont réunies, on pourrait bien espérer.
Valdyrsen Déris, né à Port-au-Prince, est licencié en Théologie et poursuit actuellement des études en Communication et Relations humaines à Maurice Communication. Il a également étudié les Lettres modernes à l'École Normale Supérieure (ENS). Passionné de sport, Valdyrsen Déris est co-fondateur de RCNS-Haïti et d'Haïti Sport Universel. Il occupe le poste de Responsable des Relations Publiques chez KATIZANA et fait partie de l'équipe de rédaction d'Haïti Sport Universel depuis 2020.